Parasite Kiseiju

Bien souvent, le manga est associé au schéma narratif d’un héro partant en croisade contre le mal et avançant grâce au pouvoir de l’amitié. Même si cette catégorie est plus populaire que les autres, on peut tomber sur des pépites d’un tout autre genre, des chefs-d’œuvre narratifs tels que Parasite Kiseiju. 

Synopsis : “Shinichi dormait tranquillement quand une espèce d’animal entre le ver et le serpent tente de s’introduire dans sa narine. Il la repousse mais celle-ci entre dans sa main et commence à remonter le long de son bras, il parvient à stopper sa course dans un élan de survie en se faisant un garrot avec ses écouteurs (y’avait pas d’air pods à l’époque). À son réveil, il constate qu’il ne s’agissait pas d’un rêve car sa main droite bouge toute seule et lui parle, elle lui apprendra quelques jours plus tard qu’elle n’a pas pu atteindre son cerveau ce qui l’empêchera à jamais d’accomplir sa mission principale : se nourrir.” 

PARASITE KISEIJU 

Parasite Kiseiju est un manga dessiné et scénarisé par Hitoshi Iwaaki, sorti entre 1988 et 1995 au Japon et entre 2002 et 2004 en France. C’est un manga du genre seinen qui est publié principalement par la maison d’édition Kōdansha (Glénat en France), qui privilégie ce genre de trame. Elle publie d’autres seinens assez populaires hors du Japon comme Vagabond, Akira ou GTO à l’époque, ou plus récemment Fairy Tail ou Air Gear. Même si l’histoire ne paraît qu’à la fin du 20ème siècle, elle est un précurseur du genre seinen horreur, qui mélange les aspect gore et psychologique de l’être humain. Moins de 10 ans plus tard, apparaitront les mangas du maître de l’horreur, Junji Itou (La Spirale, Gyo, …). 

Le manga eu tellement de popularité qu’il continue de prendre de l’ampleur après la fin de sa publication, surtout à l’étranger. Au Japon, il est réédité en 2003, passant d’une version en 10 tomes à 8, puis les droits sont achetés par le studio américain New Line Cinema (Vendredi 13, Seigneurs des Anneaux, The Mask, …) dans l’espoir d’en faire un film mais la licence d’exploitation expire en 2013 avant qu’il ne voie le jour. C’est donc en 2014, en récupérant les droits après 10 ans, que le public a eu droit à une adaptation de Parasite Kiseiju en animé (pas trop tôt), en 24 épisodes par le studio Mad House. 

HITOSHI IWAAKI 

Hitoshi Iwaaki commence sa carrière de mangaka en tant qu’assistant de Kazuo Kamimura, puis remporte le prix du mangaka débutant le plus prometteur en 1985 avec Gomi no Ume (“Mer de Déchets”). C’est avec sa quatrième œuvre, Parasite qu’il remporte son deuxième prix en 1993 et sa neuvième, Historie (qui se déroule à l’époque d’Alexandre le Grand), est primée deux fois en 2010 et 2012. Hitoshi Iwaaki compte une douzaine de mangas à son actif, tous des seinen. Malgré le changement de scènes et d’époques, son style est marqué par l’horreur et le suspens, et ses thèmes récurrents sont la psychologie, la mort et assez souvent la science-fiction. 

 Là où le mangaka excelle, c’est dans les scénarios. Ses personnages sont le plus souvent confrontés à des dilemmes mettant en jeu la vie d’autrui là où la mort est quasi inévitable et où le héro souffre quel que soit son choix, le but étant de torturer le lecteur par le biais de ses personnages et de leurs mutilations. À l’opposé des émotions complexes de ses personnages, les graphismes sont simples, sans superflus et ultra réalistes afin de faire ressortir l’aspect humain de l’histoire et que tous les lecteurs puissent s’identifier facilement. Ses dessins sobres le placent totalement à contre-courant des styles flashy des 90’s, seuls les détails importants apparaissent.  

Au niveau de l’animé, il a bien sûr fallu insérer des détails plus modernes qui n’apparaissaient pas 20 ans plus tôt (téléphones, style vestimentaires, voitures, équipements de police, …) afin de correspondre à l’année de sortie, mais ça ne change rien à l’histoire. 

CATHARSIS COMPLÈTE 

L’histoire de Parasite Kiseiju est très complexe. Au premier abord elle ressemble à une invasion alien, puis les choses évoluent en raison de la capacité d’adaptation inouïe des parasites. Leur mission principale était de manger les humains afin de débarrasser la Terre du poison qui la ronge mais ils se rendent très vite compte de la difficulté de la tâche liée à leur sous-nombre, ils doivent alors penser plus stratégiquement. Par ailleurs, il y’a un certain paradoxe car, en tant que parasite, leur propre survie prime sur la mission et ce parfois aux dépends de leurs congénères envers lesquels ils ne voient aucune obligation d’entraide. Des hiérarchies se créent entre eux et ils montrent même des personnalités, intérêts et ambitions propres, un certain libre arbitre au final qui les feront réfléchir sur leur propre existence et dévier de leur mission car, encore une fois, leur survie importe avant tout. 

Du côté des humains, il y’a plusieurs camps. La majorité qui est dans l’ignorance et susceptible de céder à la panique, ceux qui prennent les devants au nom de la protection de l’espèce humaine, ceux qui prennent les devants au nom des leurs intérêts personnels et qui iront jusqu’à s’allier aux parasites et ceux qui se situent entre les deux avec une partie de leur corps parasitée et devant maintenant cohabiter avec ces derniers. La cohabitation, c’est le cas de Shinichi Izumi et Migi, les protagonistes principaux. Plus encore, leur symbiose a été forcée et ils partagent désormais le corps au niveau cellulaire, ce qui engendre une mutation de leurs corps et de leurs psychés. Shinichi perd son empathie et Migi en gagne, tandis que le corps de Shinichi se renforce et Migi est de moins en moins forte et alerte. Un être unique parmi le peu d’hybrides connus dans ce manga

Dans le fond, Hitoshi Iwaaki traite aussi de sujets plus larges comme l’écologie et la surpopulation, la politique et la corruption, l’entraide et le caractère social de l’humain. Mais aussi de sujets plus intimes comme les relations familiales et amoureuses, le passage à l’âge adulte et la prise de décision, la crise identitaire et la découverte de soi. On le comprend avec le duo qui se retrouve mêlé à des affaires qui les dépassent alors que Shinichi n’est encore qu’un lycéen s’apprêtant à passer les examens de fin d’année. Il sera méconnaissable à la fin de l’histoire tant il aura pris en maturité. La catharsis est réaliste et complète. 

INSPIRATIONS 

Le manga fut un tel succès qu’il a eu droit à une nouvelle réédition à la sortie de l’animé, en 10 tomes cette fois-ci. Il a également eu droit à deux films en live action en 2014 et 2015, produits par la Tōhō (la majorité des Godzilla, Kimi no Nawa, …). Il y’a aussi un prémice depuis 2018, Parasite Reversi, où l’on peut suivre le fils du maire Hirokawa et la création de l’antagoniste Goto. Enfin, le recueil Neo Parasite qui englobe 12 histoires écrites par d’autres mangakas célèbres tels que Akira Hiramoto (Prison School) et Hiro Mashima (Fairy Tail), reprenant à leurs sauces l’univers de Parasite en hommage à son auteur. 

Étant un précurseur du genre horreur/gore, Hitoshi Iwaaki a créé un mouvement repris par plusieurs artistes dont les œuvres sont aujourd’hui des références. On peut citer BerserkGyo, Judge ou encore I Am a Hero et Death Note ou Initial D pour le côté psychologique. De plus, il s’agissait d’un des premiers mangas à exploiter la tendance anthropophagique, ce qui a certainement inspiré bien des auteurs comme ceux de Tokyo Ghoul et L’Attaque des Titans. 

Parasite Kiseiju est une histoire tellement complexe qu’il ne suffit pas de la lire ou la regarder une fois pour en comprendre les subtilités. De nombreux aspects soulèvent des questions assez effrayantes pour l’homme comme celle de l’apparition d’un prédateur qui nous détrônerait dans la chaine alimentaire ou la façon dont la nature pourrait réagir si on lui prend plus que ce qu’on ne peut lui rendre (ce qui est déjà le cas). 

Aller je vous laisse approfondir vous-même, la bise ! 

PS : Parasite était sur Netflix jusqu’en 2018, il est désormais disponible sur Crunchyroll, ou en streaming si jamais ça te tente. 

Aucun commentaire

Poster un commentaire